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Nickel en Nouvelle-Calédonie : fermeture et désenchantement pour « l’usine du Nord » portée par les indépendantistes

« Ce n’est que la première vague, le tsunami arrive », prévient Frédéric Narcissot, élu du Syndicat général des travailleurs de l’industrie de Nouvelle-Calédonie (SGTI-NC) au comité d’entreprise de Koniambo Nickel SAS (KNS).
D’ici à deux semaines, KNS, cathédrale de métal nichée entre lagon bleu turquoise et montagne à Voh, d’où sortaient chaque année 30 000 tonnes de nickel, ne sera plus qu’un bâtiment de ferraille inerte. Les 1 200 salariés de l’usine pyrométallurgique et de la mine qui y est adossée iront pointer au chômage dès le 31 août, faute de repreneur, et rejoindront les 600 salariés de la sous-traitance déjà sans emploi. Une catastrophe dans un contexte de crise économique majeure, l’archipel étant en proie depuis mai à des violences qui ont fait au bas mot 2,2 milliards d’euros de dégâts et obscurci durablement les perspectives d’avenir.
La fermeture du site est un déchirement pour bon nombre de salariés, qui ont grandi en même temps que le projet. Promise dès 1966 par le général de Gaulle, « l’usine du Nord » a été mise dans la balance par les indépendantistes dans le cadre du « préalable minier » de 1997, sans lequel l’accord de Nouméa de 1998 n’aurait jamais été signé. A l’époque, pour les indépendantistes, seule l’activité métallurgique permettrait de parvenir au rééquilibrage entre le Nord rural et indépendantiste et le Sud loyaliste, où se trouve la capitale Nouméa, qui concentrait alors toute l’activité économique.
Pour l’obtenir, il aura fallu deux mois de blocages de mine et de manifestations, auxquelles a participé le père de Jovenka Cherika. La jeune femme s’en est souvenue en 2006 lorsque, diplôme universitaire de métallurgie en poche, elle choisit de rejoindre KNS plutôt qu’une autre entreprise. « L’usine n’existait encore que sur le papier [sa construction a débuté en 2010] mais nos vieux se sont levés et battus pour qu’on l’ait, cette usine. Pour mon père, même si aujourd’hui il est inquiet pour notre avenir, c’est une fierté que ses enfants aient fait partie de ce projet. »
Entrée comme simple technicienne, Jovenka ­Cherika, aujourd’hui jeune quadragénaire, est superviseuse de four, avec sous sa responsabilité une vingtaine de personnes. Un exemple de cette « génération KNS », formée par l’entreprise, qui en a gravi les échelons et a bâti sa vie personnelle autour de l’usine. Son mari est entré en même temps qu’elle à KNS, sa sœur et son compagnon ont suivi de peu. Le couple a construit une maison et élevé trois enfants. Avec l’usine comme horizon. Un cas loin d’être isolé : il suffit de se promener un dimanche dans les lotissements alentour, où, à l’arrière des maisons, sèchent les uniformes pour la semaine à venir.
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